Faut-il avoir peur des objets connectés ?

TDA/H ecrans

Les parents de la même génération que moi ont vu l’apparition progressive d’internet, dont les pages se chargeaient en une ou deux minutes sur Netscape, le navigateur unique. Les consoles de jeux vidéos se sont perfectionnées, jusqu’à devenir mobiles avec des écrans monochromes, puis couleur. Les téléphones portables sont apparus, les pionniers ne ressemblaient pas à grand-chose avec ce que nous appelions leur « frigo » à antenne télescopique, qui ne fonctionnaient que sous les poteaux marqués d’une bande colorée...

Peu à peu, ces engins ont pris de plus en plus de place dans nos vies, en même temps qu’ils se miniaturisent et occupent moins d’espace. Les enfants et adolescents de notre époque grandissent, évoluent, dans ce monde ultra-technologique ; à  deux ans, ils savent se saisir de l’iPhone de leurs parents et l’allumer. Les adolescents ne semblent pouvoir se détacher des notifications qui arrivent en flux tendu sur l’écran de veille de leur téléphone ; il faut négocier, lutter, pour qu’ils le lâchent le temps du repas familial, puis dans leur lit. Les ordinateurs connectés à internet leur servent à faire des recherches pour l’école ; les tableaux numériques arrivent dans les écoles.

Mais où se situe la limite ?

Quelle dose d’écran est tolérable chaque jour ?

Pouvons-nous accepter cette intrusion dans notre quotidien ?

Si nous avions crié « au loup » lorsque le téléphone portable a été inventé, nous ne pourrions prévenir quand nous sommes en retard à un rendez-vous (étions-nous en retard ?) ni noter les rendez-vous à venir et bien d’autres choses encore. Nous ne serions pas, non plus, en mesure de demander à nos adolescents de nous envoyer un sms pour aller les chercher quand ils sortent le samedi soir.

Nous ne sommes pas en mesure de juger ces évolutions technologiques avant d’en avoir pleinement évalué et compris l’utilité que nous pourrions en avoir. Certains comportements paraissent, toutefois, intolérables ; comme ces enfants collés sur des écrans au restaurant et qui ne savent plus communiquer entre eux. De même pour les adolescents qui passent le diner accroché à leur téléphone et ne peuvent non plus s’en séparer pour faire leurs devoirs.

La limite, chacun doit la trouver, les parents doivent la fixer, ils doivent le faire en montrant l’exemple, en posant leur téléphone, eux aussi. Car, si beaucoup jugent sévèrement les comportements addicts des adolescents, ils sont eux-mêmes à l’affut des emails en provenance de leur travail. Il faut, non seulement fixer les limites, mais aussi montrer l’exemple ; les adolescents jugent tout aussi sévèrement les parents qui ne leur prêtent pas attention, car ils sont trop occupés à surveiller les messages du travail. C’est tout le problème de ces technologies, lorsque nous les utilisons en présence de l’autre, les interposons entre soi et l’autre, le message semble clair : l’information est plus importante que la personne face à nous.

Les enfants et adolescents doivent être éduqués à ces messages implicites qu’ils intègrent bien lorsque l’écran leur fait barrage, mais non lorsqu’ils l’utilisent eux-mêmes pour communiquer avec leurs pairs. L’équilibre est dans la modération : la limite est atteinte lorsque les jeux vidéos, le téléphone portable, la télévision ont un impact négatif sur le quotidien. Le retentissement peut être de plusieurs ordres : empêcher le jeune de sortir lorsque ses amis le lui proposent, faire barrage à la communication avec la personne face à soi, servir de refuge à une personne qui ne serait pas à l’aise face à l’autre. Le risque pour le dernier étant de n’avoir plus que des amis en ligne et de ne plus avoir de vie sociale classique.

Les jeux vidéos sont utilisés en pratique quotidienne pour rééduquer des fonctions cognitives, une mémoire de travail défaillante. Ils ne sont pas mauvais pour l’enfant et l’adolescent, mais lorsque ce dernier en sort énervé, vidé, agressif après quelques heures de jeux, ou ne fait plus que ça, alors la limite est atteinte. 

La télévision peut véhiculer des émissions éducatives, des documentaires enrichissants, faire ouverture sur le monde extérieur, mais ils peuvent également traumatiser l’enfant qui est exposé à des émissions déconseillées pour son âge.

Des robots sont à l’étude pour accompagner des enfants autistes, TDA/H, au sein de l’école et les aider à gérer ces situations difficiles. Quand on suggère qu’ils pourraient devenir le meilleur ami d’un ami, alors l’on est hors sujet et on risque de couper l’enfant d’une relation à l’autre enrichissante et nécessaire.

Les scientifiques s’accordent à définir une limite de 1 à 2 heures d’écrans par jour chez l’enfant et l’adolescent, en fonction de son âge ; en fait, la limite dépend de l’utilisation que l’on fait de ces outils. Ils doivent permettre une ouverture sur le monde et non encourager ou faciliter un repli sur soi.

Marie-Caroline Meijer m’a interrogé sur ce sujet pour l’incisif.

Louis Vera.